OnTheRoute. Transsibérien.
Les projets On The Route proposent des récits de voyages nés au croisement de textes, photos, dessins, à la subjectivité assumée.
Ces projets reposent sur le pari de la découverte, de l’aléatoire et de la surprise.
En tentant de sortir des chemins battus, ils ont pour ambition de toucher à l’humanité telle qu’elle est.
le site de nos voyages : https://ontheroute.fr/
Musique originale : Romain Frati
Textes : Daniel Bourrion et Jean-Christophe Diedrich
Transsibérien
DES ROUGES AUX ÉPAISSEURS TRISTES.
Nous avons cherché ce qui n’est plus mais qu’on devine encore. Cet empire soviétique, cette Mongolie rouge et cette Chine qui a depuis longtemps oublié qu’elle était communiste. Le train traverse et ne transige pas avec la vérité du pays, et d’ailleurs il n’y a pas de trahison prévue pour les peuples qui voyagent en troisième classe.
Nous étions trois regards attentifs, plein d’attente et d’attention pour ces autres que nous cherchions à comprendre malgré leurs alphabets qui nous imposaient d’avoir de l’imagination.
Le transsibérien, c’est une route, une voie, un train comme un paquebot des terres tranchant les paysages dans le sens de la lenteur.
Les cabines des wagons sont ces capsules Gagarine. Elles offrent le strict nécessaire mais donnent l’impression que l’empire soviétique a résisté au temps du voyage. Les rideaux laissent échapper le jour et le soleil caresse le décor solide comme un plan quinquennal. La table minuscule au napperon gris autorise un repas en tête à tête, quand les deux autres membres (locataires ?) de la cabine, assis devant le rien, sont incités à regarder plutôt vers le couloir où passent ceux qui ne vont nulle part. Le soir venu, toute la géographie des lieux se modifie, les lits se déploient à l’étage et les occupants des hauteurs sont invités à rester perchés jusqu’au matin.
D’une frontière l’autre, d’une plaine presque infinie à l’autre, passées les gares gardes-frontières après lesquelles tout change, ou rien, le même train avance dans ce qui ressemble à des ailleurs mystérieux.
Là, dans ce grand vide où la technologie hoquette puis s’arrête, essoufflée parce que les antennes relais sont à bout du vide, les seuls messages qui demeurent encore sont ceux du temps, des gestes restés les mêmes : attendre, et regarder, et aller prendre l’eau du thé au samovar qui en son recoin de wagon est un animal rond au ventre brûlant.
Là, dans ces wagons où le dehors bouge quand les murs, les couchettes, la décoration, les passagers peut-être sont restés même depuis des décennies, ce que l’on rencontre autant que les autres toujours trop lointains, c’est soi, dans le dedans d’un train qui traverse des terres infinies, et nous traverse pareillement.
De ces moments, ces milliers de secondes, de kilomètres déroulés dans une lenteur hallucinante, restent des souvenirs, et ces photographies, qui sont presque la même chose quand on descend, au tout dernier arrêt, là-bas.
Nous étions trois regards attentifs, plein d’attente et d’attention pour ces autres que nous cherchions à comprendre malgré leurs alphabets qui nous imposaient d’avoir de l’imagination.
Le transsibérien, c’est une route, une voie, un train comme un paquebot des terres tranchant les paysages dans le sens de la lenteur.
Les cabines des wagons sont ces capsules Gagarine. Elles offrent le strict nécessaire mais donnent l’impression que l’empire soviétique a résisté au temps du voyage. Les rideaux laissent échapper le jour et le soleil caresse le décor solide comme un plan quinquennal. La table minuscule au napperon gris autorise un repas en tête à tête, quand les deux autres membres (locataires ?) de la cabine, assis devant le rien, sont incités à regarder plutôt vers le couloir où passent ceux qui ne vont nulle part. Le soir venu, toute la géographie des lieux se modifie, les lits se déploient à l’étage et les occupants des hauteurs sont invités à rester perchés jusqu’au matin.
D’une frontière l’autre, d’une plaine presque infinie à l’autre, passées les gares gardes-frontières après lesquelles tout change, ou rien, le même train avance dans ce qui ressemble à des ailleurs mystérieux.
Là, dans ce grand vide où la technologie hoquette puis s’arrête, essoufflée parce que les antennes relais sont à bout du vide, les seuls messages qui demeurent encore sont ceux du temps, des gestes restés les mêmes : attendre, et regarder, et aller prendre l’eau du thé au samovar qui en son recoin de wagon est un animal rond au ventre brûlant.
Là, dans ces wagons où le dehors bouge quand les murs, les couchettes, la décoration, les passagers peut-être sont restés même depuis des décennies, ce que l’on rencontre autant que les autres toujours trop lointains, c’est soi, dans le dedans d’un train qui traverse des terres infinies, et nous traverse pareillement.
De ces moments, ces milliers de secondes, de kilomètres déroulés dans une lenteur hallucinante, restent des souvenirs, et ces photographies, qui sont presque la même chose quand on descend, au tout dernier arrêt, là-bas.
Daniel Bourrion/Jean-Christophe Diedrich